La démocratie et les élections

« La parole perdue. Sur la naissance de la théorie du suffrage », Revue de l’Institut de Sociologie de l’U.L.B. (Bruxelles), 91, 2021-2022, p. 57-70.

Donner sa voix : il n’est sans doute pas de formule plus répandue pour désigner le fait de participer à une élection. Dans le vocabulaire démocratique, la locution a longtemps renvoyé à un petit morceau de papier. Les électeurs y portaient leur voeu au sein d’une assemblée, puis dans un bureau de vote. En France, ce moyen d’expression remonte à la Révolution. Il fut conservé durant la Restauration et la Monarchie de Juillet avant qu’un bulletin imprimé par l’État ne le supplante progressivement. En Belgique, ce sont les lois électorales de 1831 et de 1836 qui ont codifié ce support matériel. Mais avec le même souci, celui de distinguer le bulletin (le billet écrit) du suffrage (la préférence exprimée par un ou plus candidats). Évidemment seul le second importe. Cet article vise à combler une curiosité. Retracer d’où vient cette association entre le billet et le suffrage. Une histoire qui fait découvrir combien la voix de l’électeur s’oppose à l’opinion légale qui pourtant la valide et la codifie. Une façon de montrer qu’il existe des formes élémentaires d’élection et que celles-ci ont beaucoup à nous apprendre. Mettre en lumière la manière dont fut codifié « le suffrage exprimé », c’est interroger comment, progressivement, la parole d’assemblée s’est perdue jusqu’à devenir un spectre qui hante aujourd’hui les soirs de vote des grandes démocraties.
« La sociologie historique du vote » (avec Yves Deloye), in Yves Deloye et Nonna Mayer (dir.), Analyses électorales, Bruxelles, Bruylant, 2017, p. 597-645.

Quel est l’apport de la sociologie historique aux études électorales ? Formuler une telle question, c’est inviter à présenter les choix théoriques et les méthodologies de ce courant d’analyse. Pourtant, un tel exercice recèle bien d’autres enjeux. Il permet, par exemple, d’interroger la place occupée dans nos sociétés modernes par l’élection. Aussi bien de retracer le développement de ce mode de désignation politique que de rendre compte de ses fragilités actuelles ou de comparer ses conditions d’institutionnalisation de par le monde. Historiciser nos connaissances sur la démocratie électorales n’a donc pas pour seul intérêt de retrouver le passé d’un mécanisme de désignation politique ou de réfléchir à ce que peut être un dialogue fructueux entre histoire et sociologie. C’est faire découvrir les visages multiples qu’emprunte ce que Condorcet appelait la « délégation par voie de scrutin ». Une façon de mieux comprendre ce que recouvre l’acte de vote au cœur de l’histoire de la représentation politique.
« Une autre représentation. Sur les pratiques d’acclamatio dans la France de la IInde à la IIIe République », Revue française de science politique, vol. 65, n° 3, 2015, p. 381-403. Click here for an English version

Le droit de vote n’est ni la première ni la seule forme de représentation politique. Au XIXe siècle, sa prééminence lui est disputée par des pratiques qui ont pour nom pavoisement, illumination, hymne ou vivat collectif. Des formes collectives de résolution dont il est difficile rétrospectivement de comprendre la force ou le rôle, sauf à rappeler que la démocratie fut d’abord un gouvernement d’assemblée. Son électoralisation explique pourquoi on ne pavoise et acclame plus guère de nos jours. Cet article s’efforce de comprendre pourquoi, c’est-à-dire ce que ces formes d’expression politique nous apprennent sur la démocratie électorale. L’analyse sociohistorique apporte de précieuses connaissances. Elle montre notamment dans quels termes la représentation-mandat s’est distinguée de la représentation politique dans son ensemble.
« Accuracy. Sur l’automatisation du décompte des suffrages en France et aux États-Unis, XIXe-XXe siècles », in Gilles J. Guglielmi, Olivier Ihl (dir.), Le vote électronique, Paris, LGDJ/Lextenso, 2015, p. 15-46.
Le vote électronique (co-dir. Gilles Guglielmi), Paris, LGDJ/Lextenso, 2015. Travaux réalisés dans le cadre de l’ARC 8 de la région Rhône-Alpes

L’adoption de formes de vote électronique est souvent saluée par de bruyantes prophéties, comme l’entrée dans la « cyberdémocratie », l’avènement de la « république électronique », l’éclosion de la « citoyenneté digitale ». Comme si ces équipements électoraux étaient dotés d’une force propre. Comme s’ils annonçaient une mutation radicale et irréversible de la vie civique.
Les travaux réunis ici visent à mettre à l’épreuve cette manière de voir. À lui substituer une vue plus concrète et pour tout dire purement matérielle. Que recouvre vraiment cette évolution ? Réunissant les meilleurs spécialistes, portant sur plusieurs pays (Belgique, Chili, États-Unis, France), cet ouvrage explore les enjeux véritables de ce supposé tournant. Juristes, historiens, sociologues, informaticiens, politistes : les auteurs s’attachent à un même objectif. Faire la lumière sur ce qui se joue réellement dans ces dispositifs.
Ils mobilisent pour cela les connaissances les plus actuelles, quitte à froisser des préjugés et à bousculer des faux-semblants. Une façon pour eux de prendre acte d’un fait essentiel : le vote électronique ne peut pas être envisagé comme une technique distincte du processus électoral, voire séparée de son environnement social et culturel. D’où leur invitation, lancée aux experts comme aux citoyens : celle de prendre au sérieux l’usage de ces nouvelles méthodes d’expression et de décompte des voix.

[en castellano : Introducción. El nacimiento de una agenda de investigación, O. Ihl y G. Guglielmi (dirs.), El Voto Electrónico, Madrid, Centro de Estudios Politicos y Constitucionales, 2017, p. 17-29]

Este libro reúne diversos trabajos elaborados por un amplio catálogo de expertos en distintos ámbitos (juristas, sociólogos, ingenieros, historiadores…) que aportan una desusada y enriquecedora pluralidad de perspectivas sobre el voto electrónico, con la finalidad explícita de examinar las relaciones existentes entre innovaciones técnicas, prácticas jurídicas y actitudes sociopolíticas en esta materia. En efecto, aunque frecuentemente el voto electrónico sea considerado como una cuestión técnica, aislada del proceso electoral, y por tanto de su contexto social y cultural, su introducción no supone sólo una incorporación de algoritmos; por el contrario, supone tanto una forma de elegir (para los electores) como de hacerse elegir (para los candidatos), lo que exige tener en cuenta los constreñimientos, los intereses prácticos y las creencias que subyacen a -y condicionan- la elección de éste u otro método. Para ello, se examinan detalladamente sus antecedentes, sus alternativas, los conflictos que -histórica y actualmente- suscita los intereses (políticos, sociales, económicos) que rodean el debate en cada contexto, las diferencias entre modelos de organización electoral centralizados o descentralizados, las dificultades de su puesta en práctica… En definitiva, se trata de interpretar el significado político de esta (u otra) forma de voto: ¿a qué, y a quién(es) sirven las máquinas de votación?
« Un autel démocratique : l’urne électorale », in Les Français et le vote depuis 1789, Actes du 11ème Colloque historique des bords de Marne, 22 septembre 2012, Le Perreux-sur-Marne, 2013, p. 109-126.

Comment expliquer la sacralisation en France de cet équipement électoral que l’on désignait encore au début du XIXe siècle sous le terme de « boîte de scrutin » ? Une telle question engage évidemment à réfléchir au rôle des dispositifs matériels dans la diffusion d’un système de comportements civiques. Après tout il est facile de le constater : tous les pays ne recourent pas à une telle mise en scène, ni même à une semblable mise en mots. Aux États-Unis (ballot box), en Italie (casella di voto), aux Pays-Bas (Stembus), en Allemagne (Walhurne), pour ne prendre que quelques exemples, le réceptacle des suffrages est entouré d’attentes singulièrement différentes. Il y présente d’ailleurs un tout autre visage. Preuve s’il en est que le cadre rituel dans lequel se déploie l’acte du vote appelle un examen circonstancié. Les structures formelles de l’urne électorale possèdent une éloquence propre. Elles relèvent d’une scénographie que la familiarité du geste électif a fini par masquer, une scénographie que les politologues dédaignent généralement pour ne considérer que l’orientation des préférences (« pour qui votent les électeurs ? »), cela alors même qu’elle a tenu un rôle majeur dans l’apprentissage de la démocratie électorale.
Les Français et le vote
« Sur les origines de la revendication proportionnelle », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 38, 2013, p. 367-388.
{Numéro spécial sur les théories du suffrage politique dans la France du XIXe siècle}

Comment passer d’une répartition en voix à une répartition en sièges ? En apparence très simple, cette opération a donné naissance depuis un siècle à des formes d’expertise particulièrement sophistiquées. Un savoir-faire dont l’ambition théorique lui valut presque aussitôt d’être qualifié de “ science électorale”. Non sans malentendu. L’art de comptabiliser les suffrages exprimés s’est établi, d’un côté, sur le rapport d’usage des élus et des autorités administratives attentifs à rendre prévisibles les modalités du décompte des voix, de l’autre, sur les rationalisations de juristes engagés dans l’étude comparative des procédures de vote, voire de journalistes spécialisés dans la prospective électorale. Une double logique dont la finalité était d’abord d’optimiser l’importance des soutiens électoraux
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« Rituales electorales y majestad democràtica », in Victor M. Franco Pellotier, Danièle Dehouve, Aline Hémond (editores), Formas de Voto. Pràcticas de las asambleas y toma de decisiones. Un acercamiento comparativo, Publicaciones de la Casa Chata, Mexico, 2011, p. 273-292. FormasDeVotoPortada
« L’urne et le fusil. Sur les violences électorales lors du scrutin du 23 avril 1848 », Revue française de science politique, vol. 60, n° 1, février 2010, p. 9-35.

Étudier les pratiques de violence électorale, c’est réfuter un idéalisme tenace. La règle électorale ne s’est pas formée contre la violence, ni en dehors d’elle, mais au cœur de celle-ci, en utilisant ses éléments matériels pour se construire et se justifier. C’est ce que montre cette vaste enquête de terrain sur les violences du 23 avril 1848, date du premier scrutin du suffrage universel. De lutte, la politique s’est muée en une compétition. Comprendre la façon dont les règles du jeu électoral ont pu pacifier les luttes pour l’accès aux positions de pouvoir suppose de prendre acte que les violences politiques ont une histoire, une histoire inséparable des formes de l’État comme des rapports sociaux.
 
RFSP
L’acte de vote, Paris, Presses de Sciences Po, 2008 (avec Yves Deloye).

Ce livre se veut une invitation à redécouvrir les savoirs et les pratiques qui façonnent notre expérience du vote. N’en déplaise aux commentateurs de nos soirées électorales, l’élection n’est pas seulement le moyen de faire valoir une opinion, c’est aussi un rituel social, une mise en scène codifiée en fonction de multiples enjeux. Bulletin, scanner optique, carte électorale, urne, machine à voter : notre rapport aux instruments de la vie électorale se métamorphose. De nouvelles interrogations sur la façon d’élire et de se faire élire émergent, et l’histoire matérielle de la démocratie représentative ouvre à la réflexion de stimulantes pistes. Cet ouvrage de synthèse sur la dimension matérielle et socio-historique des opérations électorales rassemble les résultats de plusieurs enquêtes menées depuis une quinzaine d’années. Une histoire qui révèle les défis de l’acte de vote, entre technique et politique, mises en scène et mobilisation, archaïsme et modernité.

Lire un compte-rendu de cet ouvrage par la Revue d’histoire du XIXe siècle

L'acte de vote
« Voter en temps et en heure : quels rituels ? », in Organiser l’expression citoyennePratiques électorales, déroulement des scrutins, technologies du vote. Un dimanche au bureau de vote, Actes du colloque du 5 avril 2007, Centre d’analyse stratégique, Rapports et Documents, Paris, La Documentation Française, 2007, p. 53-58.

Enjeu de conquêtes sociales, source et arbitre de rivalités politiques, l’élection a fait l’objet, depuis plus de deux cents ans, d’une intense valorisation. Célébrée comme le fondement de l’ordre démocratique (« un homme, une voix »), elle est devenue la figure éprouvée de la « participation » au gouvernement représentatif. À tel point que les mauvaises herbes de l’évidence, nourries par la familiarité qui entoure désormais le geste lui-même – déposer un bulletin dans une urne –, ont fini par recouvrir et les enjeux de sa définition et les conditions de sa diffusion. Or, et c’est le propos de ce livre, il importe de renverser cette manière de voir. Dans son organisation même, l’élection s’avère représenter plus qu’une simple procédure technique. Elle constitue un rituel social. Une mise en scène, codifiée en fonction de défis spécifiques et au terme de multiples affrontements.
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Notices « Acte électoral européen » (avec Y. Deloye) »; « Financement communautaire de partis politiques »; « Administration électorale »; « Indemnités parlementaires » (avec Y. Deloye); « Blanc et nul (Vote) »; « Liste électorale »; « Bulletin » (avec Y. Deloye); « Observation des élections » (avec N. Dompnier); « Campagne électorale (financement) »; « Opérations électorales »; « Compte de campagne »; « Programme électoral »; « Électeur(trice) »; « Technologie électorale », in Yves Deloye (dir.), Dictionnaire des élections européennes, Paris, Economica, 2005.

Comment se déroulent les élections au suffrage universel direct des parlementaires européens? Comment comprendre les résultats électoraux des scrutins européens depuis 1979? Quelles sont les modalités pratiques et symboliques mises en ouvre lors des élections du Parlement européen? Quelles conséquences politiques et identitaires ces élections provoquent-elles? Quelle est la nature des clivages idéologiques qu’elles révèlent? Plus encore que retenir de cette expérience démocratique majeure dans le monde occidental contemporain: celle d’une procédure de sélection électorale inédite, transnationale, porteuse d’un modèle de citoyenneté européenne et de souveraineté post-étatiques? Telles sont, parmi d’autres, les questions auxquelles ce Dictionnaire des élections européennes tente d’apporter une réponse. Cet ouvrage encyclopédique a été conçu comme un ouvrage de référence. Il est destiné à tous ceux qui sont conduits à réfléchir au devenir de la représentation politique et de la démocratie dans l’espace européen. Tous devraient y trouver des outils d’analyse éprouvés mais aussi des questionnements encore largement ouverts sur les effets et les modalités d’évolution des pratiques électorales communautaires. Ce Dictionnaire comprend 142 articles, rédigés par plus de 80 auteurs, européens pour la plupart, qui sont parmi les meilleurs spécialistes de leur domaine. Ce corpus est complété par un cahier cartographique et un index thématique.

Entries « Ballot Paper » (w/ Y. Deloye); « Campaign Accounts » ; « Elections Programmes » ; « Electoral Administration » ; « Electoral List » ; « Electoral Operations » ; « Electoral Technology » ; « European Electoral Act » (w/ Y. Deloye); « Financing » ; « Null and Void » ; « Observation of Elections » (w/ N. Dompnier); « Remuneration » (w/ Y. Deloye); « Voters » ; in Yves Deloye, Michael Bruter (eds), Encyclopædia of European Elections, London, Palgrave McMillan, 2007.

The Encyclopaedia of European Elections provides readers with a full set of tools to understand one of the most fascinating acts of democratic participation in contemporary Western Europe. Leading scholars from a range of disciplines cover an extensive variety of topics, from the genesis of European elections to the behaviour of young voters via the role of the media, and from the various legal and electoral systems used to the impact of the elections on European identity via the evolution of turnout between 1979 and 2004. The volume also includes entries on each country, each political party group in the European Parliament, and over 140 political, historical, sociological, philosophical, and legal aspects of the elections.
 
Dictionnaire des élections européennes
Encyclopedia of European Elections
« Le pouvoir de la règle. Sur la codification de la représentation proportionnelle dans la France des XIXe et XXe siècles », Ateliers, numéro spécial Logiques de l’extériorité, 27, 2004, p. 47-80.

La réforme du mode de scrutin ne manque jamais en France de soulever les plus vives controverses. Quelle que soit son ampleur, elle provoque des réactions passionnées, et déjà chez ceux dont la position dépend étroitement de l’ancienne configuration de jeu. Mais quel est au juste le pouvoir de régulation d’un mode de scrutin ? De quelle extériorité bénéficie ce type de règle électorale ? En apparence très simple, cette opération (objectiver les conditions du décompte des voix pour transformer les suffrages en mandats) a donné naissance depuis un siècle à des formes d’expertise particulièrement sophistiquées. Ce qui leur valut presque aussitôt d’être qualifiées de « science électorale ». Non sans malentendu. L’art de comptabiliser les suffrages exprimés s’est d’abord établi sur un rapport d’usage : celui des élus comme des autorités administratives attentifs à rendre prévisibles les modalités du décompte des voix, celui aussi des juristes engagés dans le contentieux des procédures de vote ou de journalistes spécialisés dans la prospective électorale. Aussi l’étude des systèmes électoraux a-t-elle connu un essor considérable. C’est ce à quoi s’attache cet article en suivant le cas de la représentation proportionnelle.
 
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El voto, Santiago du Chili, Éditions Lom, 2004.
{édition revue et augmentée pour l’Amérique Latine, traduction d’Inès Picazo}

¿Qué justifica un procedimiento como la elección? Rara vez buscamos explicar lo que recubre la institución que le sirve de emblema: el voto. ¿Cuáles son los instrumentos que pueden regular la competencia para acceder a los puestos de poder? ¿Cuàles son los aspectos relevantes del análisis científica sobre los comportamientos suscitados por el acto de votar? ¿Cuál sería la influencia ejercida sobre las maneras de hacer política, es decir, tanto las maneras de votar como las de ser elegido? Olivier Ihl desarrola las interrogantes suscitadas por lo que puede llamarse la sociologia histórica del voto. Ello importa una reinterpretación global del valor atribuido al sufragio, que se presenta como un tribunal delante del cual comparecen las figuras de autoridad, ese que obliga al poder a inclinarse. Así el voto hace del ciudadano ya no el objeto, sino el sujeto de lo político. La eleccion no solo suma los votos sino que favrica y perpetúa una division del trabajo dentro del espacio público. Y al analizar cómo se utiliza, podermos ver que, en algunos Estados, quien resulta elegido por sufragio, en más de un 90 % corresponde a aquel que más dinero invirtió en la campaña electoral.

Leer una reseña

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« Sur la barbarie populiste », in Vincent Duclert, Christophe Prochasson, Perrine Simon-Nahum (dir.), Il s’est passé quelque chose… le 21 avril 2002, Paris, Éditions Denoël, 2003, p. 144-155.

Le 21 avril 2002, la France a été choquée par les résultats de l’élection présidentielle. « Séisme », « raz de marée », « tremblement de terre » : à croire les éditoriaux, le résultat de ce scrutin fut une surprise. Personne n’avait rien vu venir… Et pourtant. Le 21 avril a été précédé d’un 17 Mars (2002) au Portugal, d’un 20 Novembre (2001) au Danemark. Pour ne rien dire des derniers scrutins législatifs en Autriche, en Suisse ou en Italie. Il été suivi d’un 15 Mai aux Pays-Bas et même, n’en déplaise aux « Candide de la politique », d’un 15 Septembre en Suède. L’article revient sur ce mouvement de fond, celui d’une contestation de la légitimité même de la démocratie représentative, en s’efforçant de dégager les dynamiques sociales et politiques qui ont pu lui donner naissance. Sur la fabrique de l’événement et l’épuisement d’un modèle de représentation et de décision lui-même appuyé sur une science de gouvernement aujourd’hui en pleine métamorphose. (Descriptif se rapportant à l’ouvrage)
 
Il s'est passé quelque chose... le 21 avril 2002
« Un battement d’aile de papillon. Sur les usages des dispositifs de vote aux États-Unis », in Jacques Lagroye † (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 279-299.

En 1963, la communication d’Edward Lorentz l’énonçait comme une boutade : « Est-ce qu’un battement d’ailes de papillon au Brésil peut provoquer une tornade au Texas ? ». Sous la plume des éditorialistes et de nombre d’ « experts », le point d’interrogation est oublié. La formule a désormais l’allure d’une sentence : le papillon de Floride a fait trembler Washington. Un fétichisme procédural qui, faute de s’interroger sur la manière dont, au cœur de chaque technologie de dénombrement, se rencontrent stratégies de promoteurs, controverses académiques et instrumentation partisane, faute aussi de se déprendre d’un certain positivisme managérial en matière de vote, risque fort de ne susciter qu’à un lynchage technologique. Un de plus dans une histoire électorale qui en comprend déjà beaucoup. C’est pourquoi il faut revenir sur ces méthodes de comptage censés garantir l’exactitude des résultats électoraux. Revenir sur les conditions de légitimité d’un scrutin : qu’est-ce qui assure la crédibilité d’un chiffre de vote ? Revenir sur les instances qui viennent certifier la valeur démocratique d’une élection (quel rôle y jouent les avocats, cabinets de consultants, sondeurs et politologues ?). Revenir sur les intérêts professionnels qui valorisent certaines technologies de vote (fabricants, entreprises médiatiques, bureaux d’étude spécialisés). En somme, sur les attendus proprement politiques du souci de « performance » en la matière.

Hommage à Jacques Lagroye

La politisation
La tentation populiste au cœur de l’Europe (dir.), Paris, La Découverte, 2003 (avec Janine Chêne, Eric Vial, Ghislain Waterlot).

Depuis quelques années, dans les démocraties européennes, se sont développés des partis et des mouvements qualifiés de « populistes ». En Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas, en Italie mais également en France ou au Danemark, en Belgique ou au Portugal. Devant l’ampleur du phénomène, certains observateurs ont évoqué le déferlement d’une véritable lame de fond. À quelques semaines d’intervalle, l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française et le succès de la liste Pim Fortuyn aux Pays-Bas ont fini par convaincre les plus réticents. Sans cesse sollicitée, la notion de populisme a fini ainsi par devenir un mot-valise : sans doute irremplaçable mais terriblement équivoque. Un terme qui ne cesse de gagner en extension ce qu’il perd en capacité de désignation, fonctionnant autant comme épouvantail que comme principe de mobilisation ou catégorie d’analyse. C’est pour comprendre les ressorts et la portée de ce phénomène qu’a été réalisé cet ouvrage qui rassemble les meilleurs spécialistes européens : philosophes, historiens, politistes, sociologues ou juristes. Les auteurs montrent en particulier combien cette notion doit être réexaminée, d’abord au regard des évolutions des formes de l’action publique dans les sociétés européennes. Ensuite, par rapport à la trame de ses usages les plus immédiats, notamment ceux visant à légitimer ou délégitimer les leaders et mots d’ordre de mouvements qui prospèrent surtout par leur dénonciation des « pathologies » d’une démocratie confisquée. Une manière de mieux comprendre la contestation dont est l’objet aujourd’hui la démocratie représentative, le rôle des savoirs gouvernementaux dans cette « crise », d’éclairer en somme les enjeux d’un tournant néo-populiste semblable à un nouveau spectre venant hanter le Vieux Continent.

Lire une revue de presse sur cet ouvrage

La tentation populiste au coeur de l'Europe
« Un concept assassiné. Pim Fortuyn et le populisme batave », in Olivier Ihl, Janine Chêne, Eric Vial, Ghislain Waterlot (dir.), La tentation populiste au cœur de l’Europe, Paris, La Découverte, 2003, p. 228-244.

Mercredi 15 mai 2002. La liste de Pim Fortuyn (Lijst Pim Fortuyn ou LPF) devient, lors des élections législatives, la seconde formation politique des Pays-Bas. Un résultat qui lui ouvre toutes grandes les portes du gouvernement de coalition que s’apprête à diriger le chrétien-démocrate Balkenende. C’est ce qui fait la dimension critique de cet appel au peuple. Abstention croissante, coupure entre élus et citoyens, éloignement des pouvoirs : autant de pathologies de la démocratie représentative auxquelles la rhétorique populiste propose, elle, une solution immédiate. Un procès instruit avec « l’appui » conjoncturel de telle ou telle affaire de corruption, ou sur le fond d’une anomie urbaine toujours plus prononcée, avec sa détérioration des conditions de logement, ses modes d’aliénation culturelle et de « compétition » dans le travail. Ces évolutions, qui laissent sans réponse le politique, ne menacent-elles pas les fondements de la démocratie sous sa double figure électorale et institutionnelle ?
 
La tentation populiste au coeur de l'Europe
« Une ingénierie politique. Augustin Cauchy et les élections du 23 avril 1848 », Genèses, 49, décembre 2002, p. 5-25.
{numéro consacré aux « Formes et formalités du vote » et coordonné par Olivier Ihl et Nicolas Mariot}

Cet article examine ce que recouvre l’expertise des mathématiciens et géomètres de l’Académie des Sciences dans l’organisation du suffrage universel lors du scrutin du 23 avril 1848. L’historiographie n’a cessé d’insister sur le rôle prééminent des juristes emmené par Cormenin dans ces préparatifs. Or, l’emprise des ingénieurs réformateurs fut essentielle. Et avec eux une « science de gouvernement » sur laquelle se penche l’auteur. Celle d’un savant : Augustin Cauchy, célèbre mathématicien français du XIXe siècle. Celle d’un réseau aussi : celui des Ponts et Chaussées et de l’École Polytechnique. Analyser leur part dans les Instructions électorales d’avril 1848 ne revient donc pas à réparer une injustice mais à analyser l’entrée en jeu d’une véritable ingénierie électorale.
 

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« Socialisation et évènements politiques », Revue française de science politique, vol. 52, n° 2-3, avril-juin 2002, p. 125-144.

Si les vecteurs de socialisation qui participent à la formation des systèmes de représentations politiques ont depuis longtemps été reconnus comme multiples, l’événement politique a, lui, été longtemps négligé. On y verra les limites des méthodologies issues de la psychologie du comportement et de la théorie du « learning ». Reste que cette hypothèque a longtemps nui aux études consacrées à la formation des jugements politiques, les enfermant dans une construction souvent unidimensionnelle. C’est à reconsidérer l’apport de ces travaux qu’est consacré cet article. Avec une question qui lui sert de fil directeur : comment une expérience politique peut-elle accéder au statut d’emblème et, à ce titre, se muer en agent de socialisation à part entière ? Ces dernières années, de stimulantes réponses ont été apportées à cette question, au carrefour des problématiques, des concepts et des enjeux propres à chacune des grandes traditions d’étude qui organisent chez les sociologues comme chez les historiens l’appréhension de la socialisation politique. D’où une invitation à élargir la définition habituellement retenue de la socialisation politique afin de mieux comprendre la façon dont s’organise la rencontre entre évènements politiques et formation des attitudes.
 

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Notices « Acclamation » (p. 5-7), « Grand électeur » (p. 493-495), « Unanimité » (p. 919-921), « Urne » (p. 928-930), « Votes rétrospectif et prospectif » (p. 801-804), « Vote public et vote privé » (p. 962-967), in Pascal Perrineau, Dominique Reynié (dir.), Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001.

L’habitude nous conduit trop souvent à assimiler vote, élection et démocratie. Or à feuilleter les 400 articles que contient cet ouvrage unique en son genre, force est de constater que le vote, par son champ, ses applications et son histoire, dépasse de beaucoup le seul cadre de nos sociétés politiques contemporaines. D’où l’extrême variété des entrées de ce dictionnaire : prix littéraires, prix Nobel, oscars, côtoient les procédures d’élection du doge vénitien ou le fonctionnement des conseils d’administration. Plus classiquement, les systèmes électoraux danois, portugais, néo-zélandais, chinois accompagnent les biographies électorales de Bill Clinton, Lionel Jospin, Helmut Kohl ou du général de Gaulle.
 
Dictionnaire du vote
Le vote, Paris, Montchrestien, coll. Clefs, 2000 (1ère éd. 1996).

La supériorité du vote est de nos jours proclamée par toutes les chartes constitutionnelles. Mieux : elle est célébrée comme un modèle universel d’accès au bien commun. Mais que savons-nous au juste de cette procédure de désignation ? D’où vient-elle et comment s’est-elle imposée ? Pourquoi la lutte politique a-t-elle pris la forme qu’on lui connaît, celle d’une compétition entre des structures spécialisées dans la conquête et la conservation des mandats ? Quels sont les fondements de cette « démocratie électorale » ? Quels sont les instruments, les procédures, les savoir-faire qui concrètement la rendent possible ? En quoi le bulletin de vote peut-il être tenu pour le verdict d’une opinion ? Où en est la « science » électorale en cette fin de siècle ?
Voilà quelques-unes des interrogations auxquelles invite cet ouvrage. Alors que les sirènes du temps inciteraient plutôt à psalmodier, par exemple que « La démocratie, c’est l’élection plus les partis » comme on disait autrefois « Le communisme, c’est l’électricité f lus les soviets », un pari est ici relevé : restituer à acte du vote toute sa richesse historique et politique. Traverser l’espace et le temps pour rendre compte des multiples expériences que ce rite politique a abritées, depuis la Grèce ou la Rome antiques jusqu’aux campagnes « high tech » des récentes élections présidentielles américaines. Une manière de faire mieux connaissance avec une institution devenue à ce point familière qu’elle nous paraît souvent invisible : l’institution électorale.
Le vote
Notices « Représentation », « Revendication », « Légitimité », « Système politique », « Pétition », in Pierre Ansart, André Akoun (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Le Seuil, 1999.

Quelques concepts clefs de l’analyse de la républicanisation des systèmes de représentations politiques envisagées ici à partir d’une perspective la plus concrète possible, tout en ne perdant pas de vue les débats théoriques et les notions méthodologiques. Chaque notice se caractérise par un système de renvois pour approfondir la compréhension, par des citations replaçant les termes dans leurs contextes d’origine et une bibliographie choisie. 

Dictionnaire de sociologie
« Tours de main et double jeu. Les fraudes électorales depuis la Révolution française », in Yves Poirmeur, Pierre Mazet (dir.), Le métier politique en représentations, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 51-88.

Reprenant dans une publication française l’enquête publiée par Kluwer Law International sur les fraudes électorales, cet article s’intéresse à la période du règlement des litiges électoraux. Celui des recours et des contestations. Intentées soit par les victimes, soit par les fraudeurs eux-mêmes, ces réclamations alimentent un contentieux qui est loin d’être négligeable, loin aussi de ne réconcilier que mauvais perdants et mauvais joueurs. D’où le fil directeur de cet article qui consiste à poser dans toute son étendue une question : qu’est ce qu’une fraude en matière d’élection ? Sur quels savoirs faire repose-t-elle ? On s’effarouche devant la corruption électorale, on la redoute, on al proscrit. Et pourtant, tout montre qu’il existe bel et bien une prime proprement politique à la fraude.
 
Le métier politique en représentations
« Deep pockets. Sur le recrutement ploutocratique du personnel politique aux États-Unis », in Michel Offerlé (dir.), La profession politique XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 1999, p. 333-356.
{Texte issu d’un rapport à la table ronde : Professions, profession politique organisée par l’AFSP, Ve Congrès, Aix-en-Provence, 22-26 avril 1996, 32 pages}

L’étude du financement des campagnes des congressmen aux États-Unis permet de réévaluer les réquisits économiques de la professionnalisation politique. La campagne électorale n’est pas ouverte aux candidats qui veulent et savent se présenter. Elle est d’abord ouverte à ceux qui peuvent la financer. D’où la montée de la règle de l’autofinancement. Étudier la carrière politique sous cet aspect, c’est dégager les conditions sociales de l’activité de représentation et ce dans une situation où la logique notabiliaire (le propriétaire d’une grande fortune jouissant d’un statut économique indépendant) et celle de représentants des grandes formations partisanes, loin de s’opposer, se confondent. C’est l’essor de l’entrepreneur ploutocratique dont cet article examine l’avènement dans les élections américaines en observant notamment le rôle des spécialistes des campagnes dans l’essor de ces batailles financières.
 
Profession politique
« Les fraudes électorales. Problèmes de définition juridique et politique », in Raffaele Romanelli (ed.), How Did They Become Voters: The History of Franchise in Modern European Representational Systems, La Haye, Kluwer Law International, 1998, p. 77-110.
{Texte d’un rapport présenté au Colloque international : How Did They Become Voters? The History of Franchise in Modern European Representational Systems, organisé par l’Institut Universitaire Européen, Florence, 20-22 avril 1995, 35 pages}.

Les fraudes n’ont jamais cessé d’accompagner la pratique du vote. Est-ce à dire que leur fondement est à chaque fois la même pulsion coupable ? Certains le soutiennent qui privilégient une lecture psychologique ou anthropologique du phénomène. C’est oublier que les manipulations électorales ont une historie. Que celle-ci est inséparable des formes de l’Etat comme de la nature du lien civique, oublier surtout que si le droit objective les règles du jeu politique, il n’explique pas leurs conditions d’émergence et de fonctionnement, ne dit rien sur les usages qui en contrepoint des techniques juridiques, façonnent le recours aux poursuites judiciaires, rien non plus sur les rapports sociaux qui se sont constitués ou modifiés à travers eux. C’est le fil directeur de cette enquête sur la panoplie des savoir-faire propres au travestissement des résultats électoraux depuis la Révolution française jusqu’à nos jours.
 
How did they become voters
« La civilité électorale : vote et forclusion de la violence en France », Cultures et conflits, n° 9-10, 1993, p. 75-96 (avec Yves Deloye).
Republié dans Philippe Braud (dir.), La violence politique dans les démocraties européennes occidentales, Paris, L’Harmattan, 1993.
{Contribution reprenant un rapport présenté au IVe Congrès de l’Association française de science politique : « Espace, vote et violence : L’expérience des bureaux de vote en France (XIXe-XXe siècles)», Paris, 23-26 septembre 1992, 43 pages}.

Quel peut être l’intérêt de mettre en parallèle l’expérience électorale avec le phénomène de la violence politique ? Il est d’abord de libérer certains des problèmes théoriques que soulève l’inscription d’un tel geste dans la trame quotidienne des relations sociales. La pratique du scrutin ne reste pas sans effet sur ses utilisateurs. Elle heurte, bouleverse, transforme leurs conduites car ses modalités particulières pèsent directement sur les usages qui viennent périodiquement l’investir. Il est ensuite de montrer que la pratique du vote s’apparente non seulement à une technique d’enregistrement des « opinions » mais aussi à un outil d’apprentissage et d’acculturation. Sa généralisation à partir de la fin du XIXe siècle s’établit sur un double mouvement : d’une part, l’émancipation des formes traditionnelles de rapport à soi qui favorisaient l’explosion des violences tantôt communautaires tantôt révolutionnaires, d’autre part, la diffusion d’un système de représentations célébrant la primauté de la conscience individuelle comme principe légitime de choix politique.
 
La violence politique dans les démocraties européennes et occidentales
« L’urne électorale. Formes et usages d’une technique de vote », Revue française de science politique, numéro spécial « L’acte de vote », vol. 43, n° 1, 1993, p. 30-60.
{Texte présenté au colloque international : L’acte du vote en question : Les expériences françaises et étrangères, organisé par le CRPS et l’AFSP à Paris les 8 et 9 décembre 1992, 34 pages, Numéro « Des votes pas comme les autres » coordonné par Yves Deloye et Olivier Ihl}

Instrument essentiel de la pratique électorale, l’urne a connu, à l’instar de la plupart des équipements du vote, une mise en œuvre largement improvisée. Véritable « objet total », elle symbolise à elle seule la primauté acquise par cet idéal de rationalité politique que l’on désigne comme démocratique. L’étude de son inscription au cœur du dispositif électoral permet de mieux comprendre le rôle des protocoles techniques qui encadrent la pratique du vote. Car, avant d’être un produit standardisé, la boîte de scrutin a fait l’objet de multiples expériences : des tâtonnements, des résistances, des transactions dont l’importance est révélatrice des attentes qui pèsent sur le suffrage universel.
 
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« Des voix pas comme les autres. Votes blancs et votes nuls aux élections législatives de 1881 » (avec Yves Deloye), Revue française de science politique, vol. 41, n° 2, avril 1991, p. 141-170.

L’acte de vote représente un terrain d’observation privilégié du travail d’éducation politique à la fin du XIXe siècle. Entreprendre une ethnographie de ce geste électoral suppose que l’on soit tout aussi attentif à ses formes légitimes qu’à celles, contestataires ou déviantes, que sont généralement l’abstention ou le vote « blanc et nul ». L’étude approfondie des bulletins annulés au cours des élections législatives de 1881 met notamment en évidence la pluralité des savoir-faire engagés dans cette procédure de désignation. Elle informe également sur la nature des résistances qui ont pu se manifester lors de la mise en œuvre de la citoyenneté républicaine. Une telle perspective aboutit ainsi à reformuler la valeur du suffrage : celui-ci n’est plus envisagé à partir des significations propres à la scène politique mais du point de vue de l’électeur, des attentes qui pèsent sur lui, de l’apprentissage auquel il a du consentir.
 
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« Légitimité et déviance. L’annulation des votes dans les campagnes de la IIIe République » (avec Yves Deloye), Politix, vol. 15, numéro spécial « Le politique en campagne », 1991, p. 13-24.
{Texte d’un rapport présenté au colloque : Les agriculteurs aux urnes, organisé par l’AFSP et l’Association des Ruralistes Français à Bordeaux les 15 et 16 novembre 1990}

Parmi les bulletins de vote, les plus riches d’enseignement sont assurément ceux qui, accumulant les indices de suspicion, ont été annulés par les assemblées électorales. Réputés soit « fantaisistes » soit « blancs » soit encore contraires aux règles définissant la normalité du vote, ils paraissent a priori pleinement justifier l’usage qui les a fait appeler des « voix perdues ». Ils sont précisément l’objet de cette enquête, dont la première partie a été publiée par la RFSP. Ces bulletins sont les traces d’une déviance électorale, qui fait découvrir les résistances rencontrées par ce jeune rite social qu’est le suffrage universel. L’examen circonstancié des bulletins annulés et annotés le fait comprendre à sa manière.
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